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Pour qu'un enfant grandisse, il faut tout un village

mercredi 3 décembre 2008

Le Peuplement Parallèle avant 1914 (suite)

On remarque que la population dite européenne représente alors moins du tiers à Tlemcen, un peu plus du dixième à Sebdou, moins du vingtième à Remchi.
Mais revenons aux immigrés de Turenne :

LES FRANÇAIS DE SOUCHE : il y a d’abord les fonctionnaires, instituteurs, gendarmes, douaniers, gardes forestiers, postiers. La plupart viennent et repartent.
Rares sont ceux qui ont laissé leurs noms dans les mémoires, des instituteurs surtout (Melle VARGAS, M. et Mme GUENANCIA, Mme LOUSTALOT) parce qu’ils s’adressaient aux enfants et les ont marqués.
Quelques uns cependant s’installent au village après leur retraite, gens à képi surtout, qui semblent jouir d’un droit de préemption sur des lots à bâtir ou à jardiner.
Ainsi dès 1899 apparaissent Mme GEOFFROY, veuve d’un sous officier et qui, tenant un restaurant à Tlemcen ne se montre pas souvent au village, un Pierre PONCEPT, combattant de 1870, adjudant maître-d’armes devenu professeur d’escrime.
En 1904, Julien LEMETAYER, ancien sous-officier de la Smala des Spahis de Bled Chabka (près de Boughrara) construit une maison (la future maison LANGLADE) dans laquelle sa femme ouvrira le premier bureau de poste. Arrivé en 1901 comme garde forestier avec ses quatre enfants, Alexandre DOUSSOT passe sa retraite à créer un beau verger autour de sa maison.
En 1903 s’installent GALLONI et ROSTAGNI, retraités de la gendarmerie, puis en 1909, Charles MARIE, ancien brigadier des douanes. Alcide BONTAZ, jeune gendarme savoyard, arrive en 1912, épouse en 1914 une fille du village, Rosa VINCENT, et ne reviendra au village qu’après la guerre. Emile DULLIN, pittoresque garde champêtre, frère de l’acteur Charles DULLIN et ancien officier, est arrivé en 1912.
Le facteur Julien ALLAUX, arrivé à la veille de la guerre, reviendra après et nous apportera le courrier jusqu’à sa retraite
Parmi les indépendants, on aperçoit Michel CAZAUX qui crée en 1899 un service quotidien de voitures vers Tlemcen.
Il vit maritalement avec Célestine HENRION qui envisage en 1903 d’ouvrir un restaurant avec quelques chambres car ‘’ l’unique auberge…est fort mal tenue par Mme FOURNIER’’, assure l’Administrateur de Sebdou, mais le sous-préfet refuse le lot à bâtir sollicité pour la construction car l’intéressée ne pourrait la réaliser qu’avec les ‘’ fonds du sieur CAZAUX, son amant et non avec ses propres ressources’’ inexistantes.
Le maçon et plombier Apollon LOMBARDO est au village depuis 1902, le maçon Charles GAUTORBE depuis 1905.
La construction du chemin de fer à partir de 1905 et l’occupation d’Oujda en 1907 suscitent une activité fébrile au village. C’est à ce moment que l’on voit apparaître Louis PARRIAUX, conducteur de travaux en 1905, Sylvain COLOMBIES EN 1906 ? Eugène CAZELLE, brigadier poseur, DOLFUS et MERLO entrepreneurs, Victor SEYRES en 1907, Victor BARON, ‘’conducteur à la voie ferrée de l’Ouest Algérien’’, Jean KRICK, entrepreneur, en 1908, Joseph COLIN poseur, en 1910, etc.
De nouveaux cultivateurs arrivent également.
Sylvain FABRE, originaire de l4aveyron, achète en 1911 la propriété de Prosper CAYLA à laquelle s’ajoutera plus tard celle de son parent Edouard MORETY.
Victor GERVAIS, fermier aux Béni-Ouazène (Remchi), achète en 1913 la concession de DEROBLES qui sera cultivé après la guerre par son gendre Paul RIGAILL.
Louis JOLIVET, de Mansourah, achète en 1914, celle de Charles MARTIN.

De tous ces noms cités (et les archives passent sous silence nombres d’autres), seuls les DOUSSOT, BONTAZ, ALLAUX, SEYRES, FABRE, GERVAIS, RIGAILL, JOLIVET faisaient partie de notre petit monde des années 30.

Chapitre XII : Le Peuplement Parallèle avant 1914 (suite)

Les villages blottis autour de leur église que nous montraient les gravures du Lyonnet, notre livre de lecture, nous donnèrent d’abord de la France inconnue l’image d’un pays rural, catholique, paisible. Puis notre science s’étendant, nous apprîmes que parmi ces trente et quelques milles villages, plusieurs centaines conservaient en dépit des guerres et des ostracismes un temple protestant et même, quelques dizaines, en Alsace, une synagogue juive.
Le nôtre, vu des hauteurs de gare, pouvait être pris malgré la rigidité de son quadrillage pour l’un de ces trente mille villages catholiques de France, avec son clocher dépassant des toits et des arbres. En réalité, si les catholiques, Français ou Espagnols d’origine, dominaient, ils n’étaient pas seuls : le village comptait aussi plusieurs familles juives, sans synagogue, un nombre un peu plus grand de familles musulmanes intra-muros avec une discrète mosquée à la lisière du village, et même quelques familles ayant coupé tout lien avec la religion. Tout ce monde se côtoyait ni plus ni moins paisiblement que dans n’importe quel village de France mais quand à savoir si les uns et les autres surent profiter de cet éventail de croyances tellement plus ouvert qu’en métropole pour s’enrichir mutuellement, c’est une autre histoire.

Les Protestants :

Les protestants,avant 1914, sont arrivés dans les deux contingents de colons officiels, deux familles dans le premier (AUROUSSEAU, JOUBERT, 16 personnes au total), six dans le second (BONNET André, BONNET Pierre, JOANIN, SCHWALL, VASSEROT André, VASSEROT Pierre, 35 personnes en tout, chefs de familles, épouses, enfants, domestiques). Les SCHWALL, de lointaine origine rhénane, forment un couple mixte, luthérien catholique, les autres sont calvinistes, originaires du Bourbonnais, du Queyras, ou du Diois.
Bien que minoritaires, ces protestants occupent dans les deux contingents, une place très supérieure à la moyenne nationale : 8 familles sur 44, soit 18 % contre moins de 3 % dans l’ensemble de la France d’alors. Certains bénéficiaient de la solidarité de plus ou moins lointains coreligionnaires comme les JOANIN épaulés par les RUEL de Guiard ou les AUROUSSEAU soutenus par la société de Coligny.

Les Juifs :

Les juifs de TURENNE étaient de vieux Algériens. Voici ce qu’écrit, e 1954, un notable juif de Tlemcen :
à Les origines des communautés juive en Afrique du Nord remontent à la plus haute antiquité. Leur présence a été constatée en certaines régions plus de dix siècles avant Jésus Christ… Installés à l’origine sur le littoral, les juifs ne tardèrent pas à pénétrer à l’intérieur du continent. Tlemcen ne pouvait manquer d’attirer ces commerçants hardis qui assuraient la liaison avec les autres régions de l’Afrique, de l’Europe, de l’Asie….La présence des juifs à Tlemcen en 1307 est confirmée par Ibn Khaldoun… Jusqu’en 1393, les juifs ne purent résider dans la ville. A cette date ils furent autorisés à vivre à l’intérieur de la cité grâce aux mérites acquis par le Rabbin Ephraîm Enkaoua, fondateur de la communauté…. Ayant vécu pendant plusieurs siècles au contact de la population musulmane, les juifs Tlemcénien avaient adopté la langue et certaines mœurs de cette population…Le décret CREMIEUX (1870) éleva les juifs Algériens à la dignité de citoyens Français… Depuis l’arrivée des Français les mœurs ont évolué. La langue française est parlée couramment dans toutes les familles concurremment avec la langue arabe à laquelle les juifs Tlemcéniens restent très attachés…Le costume indigène par contre a été abandonné.. L’assimilation a été tellement rapide que dans certaines familles le visiteur européen a le sentiment d’être reçu dans une famille métropolitaine… Cette assimilation n’a nullement porté atteinte à l’unité spirituelle du Judaïsme local…
Bâtonnier Marcel GHOZI ‘’ Tlemcen et sa région ‘’ (Collection Richesses de France, 1er semestre 1954.à


Parmi ceux de Turenne, lesquels venaient de Tlemcen, lesquels de l’un des villages berbères (q’baîl) de la haute Tafna, lesquels du lointain Sahara ? Eux seuls sauraient le dire. Nous avons déjà rencontré Aboudraham, propriétaire et prêteur sur gages et Haîm Bénichou père, transporteur, présents dans les parages avant même la création du village.
Fredja LEVY arrive vers 1910. Henri ROSTAING en garde un souvenir précis : portant le costume traditionnel, ‘’ il tenait son magasin là ou se trouvera plus tard le café maure ZEROUKI. Il est le père de tous les autres LEVY : Eliaou (le futur bourrelier), Mimoun (le futur épicier), Youda (le futur facteur), Mardochée (Madou, l’aide bourrelier d’Eliaou ? )et une fille.
La famille TOUATI (sans parenté avec les TOUATI et LEBAHR arrivés plus tard) est aussi ancienne. Leur épicerie a été tenue ensuite par le gendre LABBOUZ’’.
Un certain CHOUKROUN Albert (ou DECHOUKROUN, ou SCHOUKROUN, selon le document) de Tlemcen a racheté en 1902 et 1906 deux lots urbains à leurs détenteurs, la Veuve GEOFFROY et GALLONI, ainsi qu’une maison à l’un des VINCENT, sans doute dans un but spéculatif car il ne semble pas qu’il ait jamais habité le village. Les emplacements seront plus tard occupés par la seconde épicerie LEVY Mimoun (lot 49), par le bazar LABBOUZ Simon (lot 54) et la cordonnerie TOUATI (partie du lot 50).
Rappelons enfin que vers 1908 – 1910, les deux instituteurs sont M. te Mme GUENANCIA.
On doit pouvoir évaluer à une trentaine de personnes la population israélite à la veille de la Grand Guerre.

Sources : aux notes prises aux Archives d’Outre Mer à Aix en Provence, s’ajoutent les souvenirs confiés par Henri ROSTAING.


Chapitre XIII : Le Peuplement avant 1914 (suite)

Les Espagnols

Quelques familles espagnoles, rappelons le, étaient présentes aux abords du site de Turenne dès avant sa création : celle d’Augustin GOMEZ qui exploitait des charbonnières dans la forêt de PASTOR et de PARRA qui possédaient des terres, le premier à l’est du futur village, vers Tlemcen, sur l’Oued Hafir, l’autre à l’ouest, vers Marnia, sur l’Oued Barbata ; et un certain FRASQUITO qu’on ne connaît que pour avoir été cité avec les deux précédents dans une requête d’Aboudraham.
On trouve une allusion à PARRA dans l’Echo d’Oran du 17 juillet 1894.
On y relate une rixe, au douar des Ahl Belghafer, commune mixte de Sebdou, entre des indigènes s’accusant mutuellement ‘’ d’un vol de grains commis au préjudice d’un espagnol demeurant au lieu-dit Barbata.
On peut aussi citer deux entrepreneurs qui ne s’installèrent pas au village mais contribuèrent à sa naissance : LORENZO qui enleva en 1895 l’adjudication des travaux d’infrastructure ; ORTOLA qui, écarté en 1895 au profit de LORENZO, et en 1902, pour l’entourage du cimetière, à celui d’un certain ABADIE, dut se contenter de construire pour les particuliers.
Comparé à ces propriétaires ou ces entrepreneurs, à l’aise ou riches, les nouveaux arrivants sont bien démunis.
Comme étrangers, ils ne peuvent prétendre à une concession.
Ils n’ont que leurs bras à louer, aux concessionnaires, pour le défrichement, aux entrepreneurs ou aux artisans pour d’autres travaux aussi pénibles.
Comme pour les colons (avec cette différence qu’ils n’ont pas 36ha au départ), l’acharnement au travail, le savoir faire, l’astuce, la santé, la chance, parfois la possession d’un petit capital aideront les uns à subsister voire à réussir ou au contraire l’absence de tels ou tels de ces facteurs en maintiendra d’autres dans la pauvreté ou les fera disparaître.
Certains tiendront bientôt des propriétés à ferme ou à mi-fruit en attendant de devenir propriétaires à leur tour, d’autres s’installeront comme artisans à leur compte.
Nous ne pourrons les montrer tous mais seulement ceux qui ont laissé leurs traces soit dans la mémoire de descendants disposés à dire leurs souvenirs, soit dans les archives de l’Etat, soit dans la presse.
Parmi les premiers, on aperçoit Frédérico FERNANDEZ ou RODRIGUEZ, le père Frédérico arrivé via le Maroc en 1904, ainsi qu’un autre RODRIGUEZ, forgeron, le père de Ginès, Antoine, Jules et Lucien, qui a peut être travaillé d’abord pour DESCAUNET avant d’ouvrir sa propre forge.
En attendant de former ses propres fils à son métier, il emploie un vieil ouvrier espagnol et un jeune apprenti français dont nous avons déjà fait connaissance.
Marie ALARCON (Me MARTINEZ) pense que ses parents sont arrivés vers 1907 puisque (son) frère Auguste était né à Turenne mais (leurs) deux sœurs aînées aux Trembles. Moi je suis née à la Ferme Delphin Fréret ou mes parents travaillaient.
Dans un rapport daté du 30 août 1906 sur le peuplement du village, l’administrateur de la commune mixte de Remchi compte dans la main-d’œuvre d’origine espagnole travaillant à Turenne : 7 maçons, 7 journaliers, 2 ouvriers alfatiers, 10 ouvriers défricheurs, 3 ouvriers chaufourniers, 4 ouvriers carriers.
Il ajoute : ‘’A certaines saisons des équipes de défricheurs marocains et espagnols prennent des terres à défricher à la tâche. Les salaires moyens sont de 2.50 F par jour’’.
Il n’est pas exclu que tel ou tel patron de ces ouvriers soit également espagnol. Essayons, au fil des années de surprendre quelques uns de ces travailleurs dans ces pittoresques instantanés fixés par les Archives.
Ils ne sont malheureusement pas toujours nommés mais quelques lecteurs reconnaîtront peut être leur père ou leur grand père dans tel anonyme.
En 1906, GAUDISSARD, a abandonné sa concession à des espagnols à condition qu’ils la mettent en valeur
En 1908, Bartolo SEMPEREZ, maçon, à Turenne depuis trois ans, déjà français puisque né à Oran, obtient l’octroi d’un lot à bâtir et d’un lot de jardin.
En 1908 encore, Charles MARTIN présente une quittance de 1 213 F de ‘’ MARTINEZ Auguste, entrepreneur de défrichement (récemment décédé Wink pour travaux sur la concession de MARTIN et fourniture de pierre et de sable’’. Puis en août 1909, il paie 5 069 F à Louis ROBLES, entrepreneur de maçonnerie, pour ‘’ maison et écurie, porcherie, clapier, basse-cour et atelier ‘’ sur son lot N° 3’’.
En 1911, Louis SALESSE ‘’ maréchal ferrant loue sa concession à mi-fruit à un espagnol’’.

L’administrateur de Remchi certifie le 6 avril 1912 que la Veuve de Pierre Paul BONNET loue sa concession à Andréo FRANCISCO par ‘’ convention verbale à mi-fruit et sous condition de défrichement partiel annuel ‘’.
Début 1912, AUROUSSEAU, malade, ‘’ à loué à un espagnol nommé de FUENTES’’.
Le garde champêtre DULLIN constate le 14 avril 1913 que Cristobal Dey REY, au service de VIDAL François, labourait la parcelle (N° 149) revendiquée par VASSEROT Pierre ‘’.
Si nous empiétons sur la guerre, nous voyons en 1915 la Veuve de Joseph SCWALL ‘’ ayant loué sa concession à Francisco LOZANO, originaire de Sorbas, Province d’Almeria. Celui-ci bénéficie de tous les fruits sous condition de défrichement ‘’.
En 1916, Joseph MARTINEZ, surveillant de travaux sur le chantier de chemin de fer de Tlemcen à Béni-Saf, dont ‘’ le fils unique a disparu à la bataille de la Marne ‘’ sollicite un lot à bâtir au village.
En 1917, ses gendres étant mobilisés, la Veuve de Louis TERRAL (elle-même née en Espagne), ‘’ a donné (son) lot a exploiter à un espagnol de la région… Cet espagnol étant décédé, le contrat a été repris dans les mêmes termes - cession pendant quatre ans avec reddition à l’expiration entièrement défriché - à TORRES Bernard , de Turenne’’

3 commentaires:

turenne1978 a dit…

merci pascal pour publier tout ces infos consernant notre village turenne le cher a nos coeurs

ghioua a dit…

bonjour
je recherche la famille jolivet du coter de tlemcen, petite fille de nievas carnicer et henry jolivet nee en algerie et partit en 1951
mercii

Unknown a dit…

Bonjour,

Je suis de la famille Jolivet de Tlemcen, née en 90 je suis une petite fille de la génération ayant quitté l Oranie en 63.

Merci pour ce blog, pour le lien que cela me permet d avoir avec cette terre dont j ai tant entendu parlé.