souvenir

Pour qu'un enfant grandisse, il faut tout un village

dimanche 7 décembre 2008

Le site du futur village

Dés 1850, quarante-cinq ans avant sa naissance, le site du futur Turenne est repéré et décrit comme très favorable à la fondation d’une colonie de peuplement.
Occupée en janvier 1836, cédée à Abd-el-Kader en 1837, réoccupée en 1842, Tlemcen est depuis onze ans le chef-lieu d’une province frontalière ou la paix est longue à s’installer.
Sebdou, Marnia et Nemours abritent les garnisons avancées qui protégent le pays à l’ouest.
De là et de Tlemcen partent les expéditions ou les coups de main qui harcèlent Abd-el-Kader ou ripostent à ses propres attaques.
Parmi les soldats, tous ou presque tous fils de paysans de France tirés au sort pour sept ans, on en pourrait reconnaître qui s’appellent Pierre COUVERT, Joseph ROCHE, Jean CABANEL, Isidore GARLAND, Marie HUGON, Antoine MOUILLERAS…
Des noms qu’on retrouvera, Abd-el-Kader soumis, la paix imposée, dans des villages bientôt créés autour de Tlemcen.
En effet, si certains soldats – tout au moins les rescapés u combat, de la dysenterie, du typhus – sont rentrés chez eux, beaucoup sont restés : on leur promet la concession d’une terre s’ils trouvent une femme pour y fonder une famille.
Ainsi, de 1846 à 1849, naissent les quatre premiers villages autour de Tlemcen : Mansourah, Négrier, Safsaf et Bréa.
A Safsaf, en attendant que leur maison soit construite, les nouveaux colons logent sous les tentes prises aux Marocains à la bataille d’Isly.
En 1853, un nouveau plan de colonisation est lancé.
Une circulaire intitulée ‘’ Renseignements sur des terrains propres à la colonisation ‘’ se présente sous la forme d’un grand tableau à 12 colonnes répertoriant 27 sites pour la seule subdivision de Tlemcen.
Au N0 19, on lit :

‘’ El Bridj / Tribu Douy Yahia (Ahl Belghafer, Ouled Hamou / 400 ha aux Domaines, à relever / 600 ha acquis par échanges ou dépossession / total 1000 ha / bons terrains en grande partie arrosés / sur la route arabe d’Ouchda et sur celle de Maghrnia (traverse) / couvert par la Tafna et le Soufineraf / 28 km de Tlemcen 17 km de Maghrnia / 1 centre / 100 feux / terrain pris sur des tribus émigrées ‘’.
L’année suivante, nouveau rapport daté d’Oran le 19 septembre 1854 et intitulé ‘’ Etudes sur la colonisation dans la Province d’Oran ‘’.
Pour le futur Turenne, on lit :
‘’El Bridje, N° 115 sur la carte. En tête de l’O Soufeniraf, on trouve les ruines romaines nommées El Bridje, sur la route d’Ouchda et un peu plus loin, la belle source d’Aîn Sabra. Tout à l’entour sont de nombreuses ruines de dechras berbères.
Les terres, arrosables, suivent le cours du Barbatta et on peut assigner en ce lieu pour la colonisation un territoire de 1000 ha, s’élevant du chemin d’Ouchda à la traverse de Maghrnia.
De grands espaces sur les plateaux sont couverts d’oliviers sauvages. Les terres seraient prises en parties aux Ahl Belghafer et en partie, par échange, aux Ouled Hamou.
Quatre années passent. Nouveaux rapport dont le titre circonstancié manifeste en 1858, la prudence de l’Administration Impériale (nous sommes sous Napoléon III) : ‘’Projet pour servir dans un avenir plus ou moins éloigné à la colonisation progressive des routes, grandes communication et lieux principaux du territoire actuel de la Province d’Oran pour l’implantation de 100 000 européens ‘’.
La région de Tlemcen est intéressée pour 14 000 habitants. Je relève entre autres projets : Honein 400 h, Aîn-Tolba (6 km au sud de Nedroma) 150 h, Sidi-Medjahed 2000 h, Oued-Zitoun 500 h, Béni-Mester 300 h, Tléta 300 h.
Grandiose rêve ! Un siècle plus tard il n’y d’européens à Béni-Mester ou à Tléta, que notre couple d’instituteurs, un couple de fermiers et nos enfants…
Le site de Turenne est à nouveau décrit, avec des répétitions et des détails originaux :

‘’ N° 21 : El Bridj 140 feux, 2500 ha. A 28 km ouest de Tlemcen, sur une route de traverse conduisant à Maghrnia par Sidi-Medjahed ainsi qu’à Ouchda ; en tête de l’Oued Sifinouraf et non loin de la belle source de Sabra.
Tout à l’entour on trouve des ruines romaines et de nombreuses traces de dacheras berbères. Des rectifications aux canaux actuels suffiront pour arroser la plus grande partie des terres affectées au village.
Du côté sud s’étendent de grands espaces d’oliviers sauvages derrière lesquels commence la forêt des Daîrs Yahia. El Bridj est un des plus beaux points de la subdivision.
L’abondance des eaux, la salubrité de la position, la qualité des terres, ma proximité des bois tout semble lui assigner d’avance une grande importance dans l’avenir. Le pays ne paraît pas encore assez sûr ‘’.
Le pays ne paraît pas encore assez sûr ! Attendons donc qu’il le soit devenu.

El Bridj

Le site retenu pour l’installation du nouveau village est nommé El Bridj dans tous les documents d’au moins vingt ans antérieurs à sa fondation. Puis ce nom disparaît, non seulement dans les rapports officiels mais aussi dans les mémoires.
Je ne crois pas que personne parmi les habitants ou voisins du village, actuellement vivants ou non, français ou algériens, l’ait jamais entendu ou utilisé.
Très tôt, le nom de la source voisine, Aîn Sabra, souvent abrégé en Sabra, tend à se substituer à celui d’El Bridj, avant même le choix du nom officiel, Turenne, mais après, semble t’il, la construction de la nouvelle route de Tlemcen à Marnia en 1884.
Jusque là, et depuis 1844, on se rendait de Tlemcen vers l’ouest – du moins les troupes en convois, les voyageurs en voiture, les commerçants à cheval ou en chariot, car les paysans ou les rebelles indigènes, les soldats en opérations légères. Les européens aventureux et bien armés utilisaient le réseau embrouillé de sentiers qui allaient au plus droits à travers collines et ravins, pacages et forêts, d’une source à l’autre, reliant les villages ‘’Qbaîl ‘’ (Kabyles) de Zelboun, Béni-Mester, Zhra, Tafessera, El Kef, El Khmis ou les 44 Douars ‘’ (camps de tente, de Khaîmas) des nomades Ahl bel Ghafer, Oued Hamou, Tameksalet. on se rendait donc de Tlemcen à Marnia par la route militaire construite au lendemain de la création du poste de Lalla Maghrnia, en avril 1844. Le Génie avait construit dans les seules années 1843 et 1844, pour les besoins de la guerre, 357 lieues (1428 km) de routes dont celle d’Oran à Sebdou par Tlemcen (44 lieues) et celle-ci, de Tlemcen ) à Lalla Maghrnia (15 lieues).
On sortait de la ville par la Porte du Nord pour descendre jusqu’à Hennaya ; là on quittait la direction de Rachgoun, de la mer, pour prendre vers les Zenata, au nord ouest, jusqu’au Café Maure, on descendait les lacets de ravin de l’Oued Messaoud, on remontait sur les crêtes. on redescendait traverser l’Oued Zitoun (à 15 km en aval de notre pont de l’Oued Zitoun), on revenait plein sud jusqu’à la Fontaine du Génie, halte aménagée et là enfin plein ouest jusqu’à Marnia, en passant le gué de Barka.
Evitant forêts, ravins encaissés et autres coupe-gorge, la route tâchait de rester en terrain découvert et de suivre les crêtes.
El Bridj était à l’écart de cette route qui l’approchait au plus près au coude de la Fontaine du Génie.
Au gué de Barka, à un ou deux kilomètres en aval du pont métallique que nous avons connu, on voyait encore il y à quarante ans les ruines d’un ancien pont : une longue culée de pierre sur chaque rive, les restes de deux ou trois piles dans le lit de la rivière.
On l’appelait ‘’ Pont du Génie ‘’. Sans doute un pont ‘’ à l’Américaine ‘’ comme disaient les ingénieurs de l’époque, ‘’ avec piles en maçonnerie et le reste en charpente. Ils offraient des inconvénients sérieux à cause de la facilité avec laquelle les arabes les détruisaient en les incendiant. Lors de la grande insurrection de 1845, les émissaires d’Abd-el-Kader brûlèrent en effet presque tous ceux de la province d’Oran.
Et parmi eux, celui de la Tafna, ainsi qu’un autre sur la Mouilah, en direction de Nédromah. Car notre région fut durant ces années 1842 à 1847 constamment parcourue par le va et vient des troupes d’Abd-el-Kader, qui avait ses arrières à cheval sur les limites indécises du Maroc et de l’Algérie et celui des troupes françaises qui les poursuivaient ou se réfugiaient dans les postes fortifiés.
On signale d’ailleurs, le 20 mars 1842 moins de deux mois après la réoccupation de Tlemcen, un accrochage à El Bridj entre des ‘’coureursd’Abd-el-Kader ‘’ et ‘’ les cavaliers du Gal Mustapha ‘’ arabes ralliés à la France.
Que signifie ‘’ Bridj ‘’ ? Est-ce déformé par le temps, la prononciation locale, la transcription française, le mot arabe ‘’ Borj ‘’, c'est-à-dire ‘’ fort ‘’ ‘’ forteresse ‘’ ? Le nom garderait il le souvenir d’un point fort sur l’ancien ‘’ limes ‘’ romain, sorte de ligne fortifiée marquant au III ème siècle, moment de la plus grande extension de la souveraineté romaine en Afrique, la limite entre le pays soumis au nord et insoumis au sud ?
Les descriptions du site, presque à chaque fois, signalent la présence de ruines romaines.
Nous n’avons jamais vu ces ruines, je n’en ai jamais entendu parler par les anciens.
L’imprécision des descriptions autorise à les situer ici ou là dans le vaste espace qui s’étend des limites nord du village jusqu’aux abords de la Grande Source.
On n’a dû avoir aucun scrupule – à réutiliser les bonnes pierres qui ‘’ encombraient ‘’ le site, pour des constructions alors jugées plus urgentes que les études archéologiques.
Les précédents ne manquent pas.
A Tlemcen, le minaret d’Agadir partiellement reconstruit au XIII ème siècle montrait de belles inscriptions latines sur son soubassement bâti au IX ème avec les pierres empruntées aux monuments romains voisins.
Et l’Abbé Bargès qui visite Tlemcen en 1846 raconte que, relevant les inscriptions latines éparses sur le site de Pomaria-Agadir, il fut renvoyé au cimetière juif ou, lui dit-on, il trouverait de nombreuses pierres funéraires réutilisées, inscription latine d’un côté, hébraïque de l’autre.
Mais là, un vieux juif lui montre du doigt le pont neuf de la route d’Hennaya, tout près, ou les dites pierres venaient de retrouver de l’emploi.
Où sont les pierres romaines d’El Bridj ?
Dans le pont de Barbata ?
Dans la carapace de la Grande Source ?
Dans les murs de la gendarmerie ?
Dans quelqu’une des premières maisons du village ?
El Bridj ? Ce point fort dont on ne sait s’il à porté un nom romain est sur le ‘’ limes ‘’, à peu près à mi-chemin de Numerus Syrocum (Marnia) et de Pomaria (Tlemcen-Agadir).
Plus loin, à l’est, toujours sur le limes, on trouvait Altava (Lamoricière) et Kaputtasaccorae (Chanzy).
Au sud est du village, dominant à droite le vallon de Sidi-Yahia, on apercevait le fier escarpement du Gueula, en arabe ‘’ El Jorf el Qala’a ‘’, la falaise de la citadelle.
A Turenne on prononçait ‘’dj’’ et ‘’g’’, un g du fond de la gorge. Si vous y êtes monté, vous avez pu voir un grand mur de pierre sèche, sorte de grossier rempart utilisant l’à-pic du rocher et amorçant une enceinte sur l’extrémité du plateau. La végétation, chênes verts ou thuyas, lentisques, gênait la perception du plan de l’ouvrage qui ne donnait d’ailleurs pas l’impression d’un ‘’ travail de romains ‘’. Restes d’un village fortifié post-romains ou se seraient réfugiés les habitants berbères, peut être encore un peu chrétiens, d’El Bridj, au moment de l’invasion arabe ?
Redoute arabe du moyen âge gardant la route de Tlemcen à Fès ?
On ne sait.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

je desire connaitre des renseignements avec des personnes ayants des souvenirs ou des photos avec la famille gaudissard Daniel des hautes alpes(pierre-grosse)installee a turenne Oranie en 1905 parcelle 47 en qualite de cultivateur et ayant cedee celle-ci en 1906 ils avaient 3 enfants Marie-anais,antonius et berthe je vous remercie

Anonyme a dit…

ain saba source de saabra (agaves)elle porte le nom d cette arbus qui couvre l'entourage de la source qui rejete ses eaux sur le mont d'elborj ce plus encien douar implanté de la ville de sabra entourée de sidi med a l'oust et sidi ghalem du nord et l'ahfair(ouled chikh) a l'est et kreane et moutasse du sud s'était parmi les meillers ville de tlemcen mais elle s'est degradée d'une epoque a l'autre

Anonyme a dit…

ain saba source de saabra (agaves)elle porte le nom d cette arbus qui couvre l'entourage de la source qui rejete ses eaux sur le mont d'elborj ce plus encien douar implanté de la ville de sabra entourée de sidi med a l'oust et sidi ghalem du nord et l'ahfair(ouled chikh) a l'est et kreane et moutasse du sud s'était parmi les meillers ville de tlemcen mais elle s'est degradée d'une epoque a l'autre

abdelhak a dit…

salut ,je veus avoir qui est le proprietaire du terin qui trouve devant le stade sur la route de tlemcen